INCLUSION
3. Lois, plans, politiques et programmes
6. Enseignants et personnel de soutien
En 2008, dans le Rapport national de développement de l’éducation, l’éducation inclusive est définie comme un processus éducatif qui vise à accroître la participation et à réduire l’exclusion à l’école ordinaire ou éducation classique en répondant efficacement aux différents besoins de tous les apprenants. Elle prend en compte les besoins individuels en matière d’enseignement-apprentissage de tous les enfants et jeunes gens en situation de marginalisation et de vulnérabilité : enfants des rues, filles, groupes d’enfants appartenant à des minorités ethniques, enfants issus de familles démunies financièrement, enfants issus de familles nomades, réfugiées ou déplacées, enfants vivant avec le VIH/sida, les apprenants exceptionnels et enfants handicapés.
L’article 33 de la loi-cadre 14/004 du 11 février 2014 cible les catégories suivantes dans la « lutte contre les discriminations et les inégalités en matière d’éducation » : les filles et femmes, les orphelins, les déplacés, les pygmées, les enfants dont l’âge est supérieur à la norme fixée par la réglementation scolaire et les personnes de tout âge vivant avec handicap.
La Stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation (SSEF) 2016-2025 parle du développement d’un programme en faveur de l’éducation inclusive, spéciale et des enfants vulnérables. Toutefois, la SSEF ne définit pas ces termes et associe les « activités liées à l’accueil des élèves à besoins spécifiques » à celles des « élèves handicapés ».
Écoles spécialisées
L’enseignement spécialisé ou intégré a été initié par la loi-Cadre 086-005 du 22 septembre 1986. Des ONG nationales et des confessions religieuses et philanthropiques ont pris en charge des établissements. Depuis, les articles 107 et 108 de la loi-cadre 14/004 du 11 février 2014 stipulent que « l’enseignement spécial est organisé en faveur des groupes vulnérables et des catégories socioprofessionnelles spécifiques, en fonction de leurs besoins particuliers. [Il] est assuré soit dans des établissements spécialisés, soit dans des classes spéciales incorporées dans les écoles, ou par l’intégration des apprenants en situation de handicap dans les classes existantes des écoles ordinaires à tous les niveaux d’enseignement ». Les articles 109 et 110 ajoutent que « l’État s’engage à créer des conditions favorables à l’épanouissement des enfants surdoués à travers l’élaboration d’un programme spécial d’études aux différents niveaux de l’enseignement national ». Par exemple, la scolarisation des enfants sourds se fait par l’Association des centres pour handicapés en Afrique Centrale « ACHAC », ou par le biais d’autre écoles intégrées.
L’école primaire congolaise reste inaccessible à la majorité des handicapés ; environ 45 % des élèves handicapés moteurs et 75 % des handicapés mentaux de 6 à 11 ans sont hors de l’école (contre 28,7 % de leurs pairs non handicapés). La SSEF 2016-2025 vise à « promouvoir le développement d’écoles spécialisées pour les enfants vivant avec des handicaps lourds pour lesquels l’accès à une école avec un fonctionnement normal n’est pas envisageable à court et moyen terme ». La scolarisation des enfants sourds se fait en grande partie par l’association des Centres pour handicapés en Afrique Centrale « ACHAC ». Au pays, 115 centres d’éducation spécialisée sont affilés à l'ACHAC.
Écoles inclusives
Les actions menées pour l’instauration d’écoles inclusives sont surtout via Handicap international (HI). Par exemple, le projet pilote financé par l'Agence espagnole de coopération internationale (AECI) poursuit l’objectif d’accroître l’accès des enfants en situation de handicap aux écoles régulières et à favoriser une éducation primaire d’une meilleure qualité à Kinshasa. Après une première phase de sensibilisation et de formation à l’éducation inclusive, HI a travaillé en partenariat avec 12 écoles disséminées dans quatre communes de la capitale.
Le pays n’a toujours pas signé/ratifié la Convention contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement. L’article 13 de la Constitution énonce toutefois qu’« aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire ». Les articles 43 et 45 précisent respectivement que « toute personne a droit à l'éducation scolaire [...] pourvue par l'enseignement national ». L'enseignement primaire est à cet effet obligatoire et gratuit dans les établissements publics. De plus, toute personne a droit d’accès aux établissements d'enseignement national, « sans discrimination de lieu d'origine, de race, de religion, de sexe, d'opinions politiques ou philosophiques, de son état physique, mental ou sensoriel, selon ses capacités ».
La SSEF 2016-2025 énonce la vision de l’État pour « la construction d’un système éducatif inclusif et de qualité ». Le programme en faveur de l’éducation inclusive, spéciale et des enfants vulnérables s’adresse aux orphelins, enfants confiés ou enfants en rupture familiale, aux enfants vivant avec handicap et aux groupes sociaux particuliers comme les Twa (peuples autochtones) ou ceux qui sont dans les campements de bords de rivière.
Handicap
L’article 12 de la loi-cadre 14/004 du 11 février 2014 assure « la démocratisation de l’éducation par la garantie du droit à une éducation de qualité, l’égalité des chances d’accès et de réussite pour tous, y compris les personnes vivant avec handicaps ». La SSEF 2016-2025 annonce une politique destinée à améliorer l’accès scolaire des enfants porteurs de handicaps qui sera de deux ordres :
- l’instauration de partenariats avec des organisations communautaires et la construction d’institutions sanitaires et d’établissements spécialisés dans l’accueil d’élèves en situation de handicap;
- des mesures préparatoires pour un accueil étendu des enfants handicapés, telles que : le recueil de données sur la prévalence des handicaps et les conditions de vie et d’accès aux soins des enfants concernés, l’établissement de relations entre les autorités scolaires et les organisations de la société civile dévouées au handicap et entre les autorités scolaires et les autorités sanitaires.
Comme l’État ne dispose pas des moyens juridiques explicites, financiers, matériels, technologiques et humains pour « une école inclusive », Handicap international (HI) collabore avec le ministère de l’Enseignement pour que cette politique d’inclusion soit étendue à l’échelle du pays, notamment avec le projet Éducation inclusive pour les enfants handicapés, et en particulier les filles, à Kinshasa. L’objectif de ce projet est de garantir une politique active et le changement des pratiques d'inclusion des enfants handicapés dans le secteur éducatif. Dès 2007, HI a commencé par soutenir les centres Bon départ et Kikesa qui pratiquent l'éducation inclusive à Kinshasa. En 2009, un projet pilote de ces deux écoles inclusives a pu être étendu à 12 autres écoles primaires ordinaires.
Un programme pour l’éducation des femmes et filles handicapées commencé par la Banque mondiale en 2018 vise à mettre en place une base de données pour l'élaboration de politiques publiques et de stratégies d'orientation.
Genre
En ce qui concerne les grossesses précoces, la loi du 1er août 2015 établit qu’il relève de la responsabilité du gouvernement de mettre en œuvre des programmes spécifiques afin d’assurer aux mères célibataires ou enceintes la poursuite de leur scolarité.
La SSEF 2016-2025 identifie d’autres stratégies qui seront mises en œuvre, dont la construction de latrines séparées en nombre suffisant et des points d’eau. D’autres mesures favorisant l’augmentation des femmes dans le corps enseignant et l’octroi de bourses aux filles issues des milieux les plus défavorisés sont aussi mentionnées. Des actions de communication et de mobilisation sociale seront menées en collaboration avec le ministère du Genre pour sensibiliser sur les droits en éducation des filles.
Ethnicité et langues
La politique sur la langue d'enseignement du ministère de l'Enseignement primaire, secondaire et de l'Initiation à la citoyenneté, comprend les éléments suivants :
- De la première à la quatrième année, l'une des quatre langues nationales désignées constitue à la fois une matière autonome et la langue d'enseignement. Le français étant aussi une matière autonome.
- Les 3e et 4e années sont considérées comme des années de transition, où le français sera davantage utilisé comme langue d'enseignement oral en classe.
- En 5e et 6e années, le français est à la fois une matière et la langue d'enseignement principale. Les langues nationales restent cependant des matières autonomes.
Le programme « ELAN » pour l’enseignement des langues nationales permet d’utiliser les langues nationales ou du milieu comme langue d’enseignement et d’apprentissage aux cycles élémentaire et moyen du primaire et comme discipline au niveau secondaire et supérieur.
La SSEF 2016-2025 décrit également des activités pilotes pour améliorer la scolarisation des groupes sociaux particuliers comme les Twa ou ceux qui sont dans les campements de bords de rivière. La Stratégie prévoit mettre en place des mesures de discrimination positive pour favoriser l’accès des populations autochtones et issues des catégories les plus défavorisées à des études supérieures. Aussi, elle encadre la rédaction des programmes en langues nationales et locales et compte poursuivre l’expérimentation de l’approche « apprendre à lire et écrire dans une première langue africaine et en français ».
Zones rurales
La SSEF 2016-2025 accordera la priorité aux zones rurales pour équiper les bibliothèques, laboratoires, ateliers et salles des établissements en s’appuyant sur des partenariats avec les communautés. La Stratégie vise aussi la création de classes préparatoires de cinq ans (ou préprimaires) dans les écoles primaires. Aussi, l’accueil des enfants au préscolaire sera une priorité pour les écoles rurales, qui accusent beaucoup de retard en la matière (la Stratégie vise à atteindre 15 % en 2025 contre 4,7 % en 2014). La SSEF 2016-2025 vise qu’en 2025, 20 % des élèves du préscolaire soient accueillis dans des espaces d’éveil communautaires en ciblant les zones rurales et les populations autochtones. Une phase pilote a démarré en 2016. Ces activités seront menées à travers des ONG ou des Agences locales d’exécution.
Pauvreté
La SSEF 2016-2025 vise à ce qu’en 2025, 20 % des élèves bénéficient d'uniformes et de fournitures scolaires à prix réduits, que 3 000 écoles disposent d'une cantine scolaire subventionnée et que les familles de 10 % des élèves reçoivent une allocation.
Albinisme et éducation en situation d'urgence
Les enfants atteints d’albinisme sont surtout pris en charge par l’UNICEF, qui travaille avec le gouvernement pour mettre en place des mesures de protection sociale dans environ 5 000 écoles à travers le pays. Aussi, la SSEF 2016-2025 prévoit mettre en place une politique nationale de l’éducation en situation d’urgence, de post-conflits et de post-catastrophes.
L’éducation (inclusive) est confiée à quatre ministères :
- Enseignement primaire, secondaire et Initiation à la nouvelle Citoyenneté (MEPSINC)
- Enseignement technique et professionnel (METP)
- Enseignement supérieur et universitaire (MESU)
- Affaires sociales, Action humanitaire et Solidarité nationale (MASAHSN)
Ce dernier ministère devait proposer pour 2018 (en vue d’une implantation en 2021) un plan sectoriel pour l’éducation inclusive. Ce plan visera à renforcer les capacités en matière d’enseignement de la langue des signes, d’écriture en braille et de psychologie différenciée afin d’optimiser la surveillance scolaire des enfants handicapés et de formuler des directives sur les normes de construction scolaire afin de promouvoir l'accessibilité des écoles.
Cela étant, la SSEF 2016-2025 soutient que le ministère de l'Enseignement primaire, secondaire et professionnel et la Direction d’études et de la planification seront responsable de proposer une politique nationale pour l'éducation inclusive. De plus, le ministère de l'Enseignement primaire, secondaire et professionnel et le Service national de formation assureront la formation des chefs d'établissement et des enseignants à l'éducation inclusive. Enfin, l'intégration des modules de formation à l'éducation inclusive dans la formation initiale des enseignants sera sous la responsabilité du Service national de formation et de la Direction des programmes scolaires et matériel didactique.
En terminant, des partenariats seront développés entre l’État et des ONG spécialisées pour promouvoir le développement d’écoles spécialisées pour les enfants vivant avec des handicaps lourds. L’État se chargera dans le cadre de ces partenariats du financement de la formation des enseignants. Comme il n’y a pas encore de politique d’éducation inclusive, cette dernière est surtout coordonnée par Handicap international. Il n’y a pas d'autre agent coordinateur pour l'instant.
Infrastructures et services
L’article 111 de la loi-cadre 14/004 prévoit que « l’aménagement des infrastructures, des établissements spéciaux et des classes spéciales tient compte de la condition physique spécifique des élèves et des étudiants vivant avec handicap ou ayant des besoins éducatifs spéciaux. L’État s’engage à apporter assistance aux personnes vivant avec handicap ». La SSEF 2016-2025 vise à ce qu’en 2025, 50 % des écoles soient dotées d'accès facilité pour les personnes handicapées.
L’État a entrepris un programme de réhabilitation d’environ 50 000 salles de classe d’ici 2025. Cela permettra l’amélioration de la couverture scolaire ; les localités à plus de cinq km de l’école la plus proche seront prioritaires. Aussi, la Stratégie sectorielle de l’éducation et de formation prévoit de faire en sorte que d’ici à 2025, 50 % d’écoles soient dotées d’accès facilités pour les personnes handicapées.
Curriculum, matériel didactique et TIC
Un comité scientifique sera chargé de revoir les programmes et les méthodes pédagogiques (SSEF 2016-2025). La révision des curricula privilégiera l’apprentissage de la lecture, la maîtrise de la langue d'enseignement (français), l’utilisation des langues nationales comme vecteur d’enseignement et d’apprentissage, les formations pédagogiques, les programmes de l’éducation de base et les formations professionnelles. Ainsi, des ateliers de validation des manuels et guides dans les quatre langues locales sont prévus. Les préoccupations sur la question du genre sont prises en compte lors de la révision des programmes et manuels.
La SSEF 2016-2025 affirme que les problèmes de formations, de professionnalisation, de qualification et de compétences du personnel enseignant se posent à tous les niveaux du système éducatif, et plus particulièrement pour le secteur de l’enseignement spécial et de l’éducation inclusive. Elle note la non-maîtrise des aspects psychologiques de l’inclusion par les professionnels de l’éducation. Dans cet esprit, elle prévoit l’élaboration d’un curriculum de formation des enseignants prenant en compte l’apprentissage dans les langues nationales et la révision des curricula et des mécanismes de certification en tenant compte de la maîtrise nécessaire d’une langue nationale. Enfin, elle identifie deux stratégies liées à l’éducation inclusive, soit la formation des chefs d'établissement et des enseignants à l'éducation inclusive et l’intégration des modules de formation à l'éducation inclusive dans la formation initiale des enseignants.
Des centres de ressources pour les enseignants vont aussi être créés pour former des enseignants qualifiés pour le nouveau système éducatif. L'un d’eux a été inauguré à Kinshasa grâce à l'appui financier du gouvernement des États-Unis .
Le pays ne possède pas de rapport de suivi sur l’éducation. N’ayant pas encore de politique sur l’éducation inclusive, l’État ne semble pas avoir identifié d’indicateurs pour suivre l’atteinte des objectifs en éducation inclusive. Toutefois, des indicateurs liés aux processus et aux résultats scolaires ont été retenus pour le suivi de l’équité dans la SSEF 2016-2025 (p. 127).