INCLUSION

1. Définitions

2. Organisation scolaire

3. Lois, plans, politiques et programmes

4. Gouvernance

5. Milieu d’apprentissage

6. Enseignants et personnel de soutien

7. Suivi des données

 

  1. Définitions

Intégration et éducation inclusive

Le ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger (MASSTE) (2003) affirme que « l’intégration » des enfants handicapés et ayant des besoins spécifiques dans les écoles ordinaires « consiste à développer les capacités de [ces derniers] dans l’enseignement, la communication et la socialisation. […] À cet effet, l’école est appelée à adopter une démarche spécifique et à mettre en œuvre des mesures facilitant l’intégration et évitant toute forme de discrimination dans les salles de classe et dans les activités socioculturelles et d’animation, entre les élèves ordinaires et ceux porteurs de handicaps ».

Besoins éducatifs spéciaux

Le MAASTE ne définit toutefois pas « besoins spécifiques ». Il mentionne cependant que tous les apprenants reflètent la diversité naturelle de l’humanité. Ils englobent notamment les enfants des milieux défavorisés sur le plan socioéconomique et les handicapés, etc.

 

  1. Organisation scolaire

L'« intégration » des élèves à besoins spécifiques dans le système scolaire ordinaire est un objectif primordial dans la politique tunisienne de la promotion des porteurs de handicap. L’objectif est que ces derniers poursuivent leurs études dans les classes ordinaires. Pour y parvenir, le Programme national d'intégration des enfants handicapés lancé en 2003-2004 a délaissé le placement de ces apprenants dans les écoles spécialisées et a visé leur « intégration » dans les écoles ordinaires.

Selon le rapport du gouvernement tunisien au CRPD en 2019, « les associations travaillant dans le domaine du handicap gèrent des institutions d’éducation, de réadaptation et de formation professionnelle » qui sont compétentes dans le domaine des personnes porteuses de handicap et qui « sont soumises à l’accord sectoriel commun des associations de personnes handicapées émise par la décision du ministre des Affaires sociales du 4 janvier 2013 ». La même source cite que « le nombre d’associations et branches d’associations travaillant dans le domaine du handicap a atteint 290, ce qui est responsable du fonctionnement de 310 centres d’enseignement, de réadaptation et de formation professionnelle spécialisés, qui sont fournis à 16 496 élèves handicapés au cours de l’année scolaire 2016/17 ».

Notons que l’existence d’une invalidité est déterminée par des comités interdisciplinaires composés d’experts en assurance médicale et en assurance sociale. Après évaluation, les élèves concernés peuvent obtenir un certificat attestant de leur handicap et une carte d’invalidité qui donne accès à des services.

 

  1. Lois, plans, politiques et programmes

La Constitution, en particulier dans les chapitres 23 et 47, décrit le rôle de l’État dans « la protection de la dignité de l’être humain ». Elle vise à « assurer la dignité, la santé, les soins, l’éducation et fournir toutes les formes de protection à tous les enfants sans discrimination et dans l’intérêt supérieur de l’enfant ». De façon globale, la Tunisie a signé plusieurs conventions internationales pour la protection des droits des réfugiés, des femmes, des enfants, des personnes handicapées et adhère à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La loi 2002-80 soutient que l’enseignement est obligatoire de 6 à 16 ans : « l’enseignement est un droit fondamental garanti à tous sans aucune discrimination ». Enfin, la loi 2008-10 vise à intégrer toutes les catégories et tous les niveaux socioprofessionnels dans la vie active, dont les jeunes qui risquent d’être confrontés à des situations d’échec ou d’exclusion.

Handicap

Différentes lois encadrent l’éducation inclusive pour ce groupe. Les lois 89-52, 2005-83 et 91-65 soutiennent que les personnes handicapées ont le droit de bénéficier d'une éducation, d'une rééducation et d'une formation professionnelle appropriées. La directive sur l’éducation et la scolarisation numéro 80 du 23 juillet 2002, dans son quatrième chapitre, stipule que « l’État garantit le droit à l’éducation gratuite dans les établissements publics d’enseignement à tous les élèves d’âge scolaire et offre à tous les élèves des chances égales de jouir de ce droit. Il utilise des conditions appropriées pour les enfants ayant des besoins spéciaux de bénéficier du droit à l’éducation ». Tout citoyen porteur de handicap a le droit de bénéficier, selon la nature de son handicap, de toutes les mesures qui lui garantissent une pleine intégration dans la société afin d’assurer son « intégration » dans les classes ordinaires et la protection des personnes handicapées. La loi du 23 juillet 2002 stipule quant à elle que l’État doit veiller à assurer les conditions adéquates permettant aux enfants aux besoins spécifiques de jouir du droit à l’éducation. Du point de vue des politiques et des plans d’action, le ministère de l’Éducation a prévu l’allégement du nombre d’élèves dans les classes intégrant des enfants handicapés dans la Circulaire du 18 septembre 2003. Cette Circulaire régit l’instauration des Projets éducatifs individualisés (PEI) qui organisent la mise en place des services d’accompagnement scolaire et qui servent d’outil de communication et de suivi avec la famille. En outre, la stratégie d’intégration scolaire des enfants handicapés, définie en 2003 par une Commission nationale, prévoit l’intégration progressive de tous les enfants handicapés dans les écoles ordinaires et pose le principe de l’inscription de tout enfant handicapé dans l’établissement scolaire le plus proche de son domicile.

En août 2005, le pays a adopté la loi 2005-83 relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées. Au chapitre VI, l’article 19 garantit le droit à l’éducation, à l’enseignement, à la réadaptation et à la formation pour les enfants handicapés et vise à leur fournir les chances pour réaliser ce droit. La circulaire 03797 de 2010 régie tant qu’à elle l’augmentation du temps de réalisation d’exercices en classe ou à la maison et les mesures exceptionnelles relatives à l’évaluation pour ces apprenants.

En juillet 2019, le ministère de l’Éducation avait annoncé qu’à partir de la rentrée 2019/20 « les enfants à besoins spécifiques âgés entre 5 et 8 ans (nés entre le 1er janvier 2011 et 31 décembre 2014), et exceptionnellement les enfants âgés de 9 ans bénéficient de la mesure d’insertion scolaire ». « L’insertion scolaire dans des classes préparatoires au sein des écoles primaires sera généralisée, à partir de l’année scolaire 2019/2020 et touchera les enfants handicapés âgés de 6 à 9 ans (nés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013) et exceptionnellement sur étude du dossier, les enfants handicapés âgés de 10 ans. » Des aménagements doivent aussi avoir eu lieu dans les lycées et les collèges.

Dans la pratique, l’État a pris différentes mesures pour inclure les enfants handicapés dans les écoles ordinaires (article 11) (telles que fournir les ressources physiques et psychologiques, des allocations budgétaires, l’organisation d'activités culturelles et sportives, l’usage des TIC, l’ouverture d’une bibliothèque équipée de ressources audio et de livres en braille, etc.). Une culture des droits des personnes handicapées à l’éducation est aussi promue par divers moyens, notamment par la publication de la Convention en braille et en langue des signes et la large diffusion de la Convention. Le Projet tunisien en matière d’intégration scolaire des enfants handicapés (ISEH) vise pour sa part à proposer à chacun une solution de scolarisation adaptée et à assurer un parcours de formation réussi défini dans le cadre du PEI. L’OTDDPH organise des ateliers de consultation, d’analyse et de partage sur l’éducation inclusive, réunit différents partenaires, propose des cycles de formation, des séminaires, des forums et des visites… Enfin, les projets « Pour une éducation inclusive » de la FATH et AFD, « L’éducation des enfants en situation de handicap au cœur des dynamiques de développement territorial au Maghreb » et ceux de l’ONG Humanité et inclusion visent à renforcer l’inclusion scolaire des enfants handicapés. Ainsi, depuis 2011, Humanité et inclusion est intervenue à la faveur de l’école inclusive avec beaucoup d’initiatives, dont les projets « Développement local inclusif et accessibilité universelle » à Bizerte et « Vie autonome et participation sociale » à Kebili. Le ministère de l’Éducation en partenariat avec UNICEF et Humanité et inclusion a aussi entrepris un projet d’éducation inclusive dans neuf écoles pilote des gouvernorats de Bizerte, de Siliana et de Kébili depuis mars 2014. Enfin, l'Organisation tunisienne pour la défense des droits des personnes handicapées en partenariat avec les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales a mis en place un projet d'intégration scolaire pour les enfants handicapés sous le slogan "Égalité des droits et des chances" entre janvier 2017 et décembre 2019. Le projet visait à accroître la participation et à réduire les différences pour répondre aux besoins des enfants handicapés afin de garantir efficacement leur droit à l'éducation.

Genre

L’article 46 de la Constitution garantit les droits de la femme à l’éducation. Certains programmes éducatifs ont été initiés en ce sens afin de renforcer l’autonomisation de la femme, et particulièrement en milieu rural. Les initiatives passées ont surtout porté sur l’entrepreneuriat féminin, l’inclusion dans la vie publique et politique et la lutte contre la déperdition scolaire et la violence. Plus concrètement, un programme encadré par l’Association tunisienne des femmes démocrates vise à renforcer les capacités des professionnels des droits humains pour accroître l'intégration des genres dans la législation, les stratégies et les politiques, notamment en éducation. Il est toutefois difficile de répertorier d’autres initiatives concrètes et actuelles et leur portée respective.

En 2012, le ministère de la Santé, en partenariat avec l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement a créé le Centre d'aide psychologique aux femmes et aux enfants victimes de violence, qui est un espace ouvert destiné à fournir des services éducatifs et sanitaires, principalement dans les domaines de l'écoute, du conseil, de la sensibilisation et du soutien psychologique pour les femmes, ainsi que pour les enfants qui sont exposés à la violence ou qui ont vécu des situations de violence au sein de leur famille.

Ethnicité et langues

La Constitution veille à « l’ouverture sur les langues étrangères, les civilisations humaines et la diffusion de la culture des droits de l’Homme. » Or, peu de programmes semblent s’adresser directement à l’inclusion scolaire des minorités linguistiques et ethniques dans le pays.

Zones rurales

La Constitution inclut un principe d’égalité de niveau de vie entre les régions et parle d’un développement régional équitable. Dans cet esprit, le Plan décennal au service de l’enfance 2002-2011 visait à réduire les différences entre les régions pour concrétiser le principe l’égalité des chances entre les apprenants. Depuis 2000, le ministère de l’Éducation identifie également des zones d’éducation prioritaire pour l’attribution des ressources humaines et matérielles supplémentaires en éducation et l’implantation de programmes de rattrapage. Les usagers bénéficient aussi d’avantages pour le transport scolaire en zones rurales prioritaires.

Pauvreté

La loi du 23 juillet 2002 stipule que l’État doit apporter son aide aux élèves appartenant à des familles aux revenus modestes pour assurer leur droit à l’éducation. Toutefois, il n’y a pas de politique encadrant l’inclusion éducative de ce groupe particulier.

Douance

Le ministère de l’Éducation devrait légiférer en 2015-2016 pour permettre aux surdoués d’enjamber les niveaux. Nous ignorons si une politique a été adoptée à ce sujet.

Analphabétisme et abandon scolaire

Un programme national pour l’éducation des adultes privés d’études par des circonstances particulières et un projet pilote d’éducation civique aux Tunisiens analphabètes et illettrés ont été instaurés par le ministère de l’Éducation. Nous ignorons les retombées de ces projets.

D’autre part, « un modèle de prévention de l’abandon et de l’échec scolaire (M3D) a été lancé en décembre 2018, à l’initiative des ministères de l’Education, des Affaires sociales, de la Femme et de la Santé, en partenariat avec l’UNICEF, l’agence italienne pour la coopération au développement (AICS) et l’ambassade du Royaume-Uni en Tunisie, dans sept établissements scolaires à travers le pays, sur un ensemble de 20 institutions éducatives ciblées. Le projet se base sur trois dimensions: la mise en place d’un mécanisme de rattrapage, l’assistance pédagogique de l’élève et l’installation d’un bureau d’écoute et d’accompagnement au sein de l’établissement éducatif.

 

  1. Gouvernance

Au sein du gouvernement, plusieurs ministères sont responsables de divers aspects de l’éducation inclusive : celui de la Femme, de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, de la Formation professionnelle et de l’Emploi, des Affaires sociales et religieuses, etc. Les Instituts supérieurs de l’éducation spécialisée et la Commission nationale tunisienne pour l’UNESCO sont aussi impliqués sur cette question, tout comme d’autres ONG (OTDDPH, Humanité et inclusion, ICHARA, FATH…). Il ne semble toutefois pas y avoir d’agent coordonnateur central pour piloter l’éducation inclusive.

À cet effet, de sources notent la « diversité des tutelles dans plusieurs domaines, dont celui du droit de l’enfant, pour lequel sont impliqués le ministère de l’Éducation (ME), le ministère des Affaires de la femme et de la famille et le ministère des Affaires religieuses (MAR). Les ministères de l’Éducation, des Affaires sociales et de la Santé, pour ne nommer que ceux-ci sont responsables du domaine du handicap. Cette diversité des tutelles « pose de nombreux problèmes de gouvernance liés au manque de coordination entre les structures administratives et de cohérence des programmes et projets mis en œuvre ».

Au niveau régional, on note l’existence de l’Unité régionale de réhabilitation, de la Commission régionale des personnes handicapées et du Commissariat régional de l’éducation qui interagissent avec les établissements scolaires, les enseignants, les inspecteurs, le personnel social, les éducateurs spécialisés, les médecins scolaires et le personnel spécialisé dans les soins et la rééducation ainsi que les parents.

 

  1. Milieu d’apprentissage

Infrastructures et services

La loi et le plan stratégique pour l’éducation 2016-2020 prévoient l’aménagement et l’équipement des classes des écoles ordinaires accueillant les élèves aux besoins spécifiques. Des fonds ont été mis de côté en 2011 à cet effet à Tunis et à Bizerte. Ajoutons que le pays possède 30 véhicules adaptés qu’il met à la disposition des élèves handicapés.

Curriculum et matériel didactique

Le gouvernement s'efforce de promouvoir la langue des signes par différentes mesures. La circulaire 21972 de 2013 encadre aussi l’utilisation d’outils technologiques modernes pendant la formation et l’évaluation des élèves qui rencontrent des difficultés en écriture et en mathématiques. Enfin, des cours sur les droits humains font partie des curriculums. À ce sujet, selon le rapport 2019 au CRPD, la Tunisie a également initié une large diffusion d’une culture des droits humains, notamment par l’élaboration de mesures appropriées pour modifier tous les programmes d’études, y compris les manuels scolaires, et ce à divers stades de l’enseignement primaire.

 

  1. Enseignants et personnel de soutien

Peu d’initiatives de formation et pour lesquelles les retombées ont été évaluées ont porté sur l’éducation inclusive. Le projet « Pour une éducation inclusive » de la FATH et AFD a ciblé les enseignants, inspecteurs, éducateurs spécialisés, les psychologues scolaires et les conseillers d’orientation. Les retombées de ce projet toujours en cours seront évaluées ultérieurement. Un premier colloque international pour l’éducation inclusive pour les élèves à besoins éducatifs particuliers dans le réseau des Lycées français à l'étranger a aussi été tenu en 2018 par l’ALEDAS.

Le Programme de coopération de l’Union européenne en faveur de l’intégration économique et sociale des personnes handicapées comprenait quant à lui une série d’éléments liés, entre autres, à la réhabilitation de programmes d’éducation spécialisée et au soutien et à l’encadrement des agents des centres d’éducation spécialisée.  Il visait également à élaborer un programme de formation continue au profit des éducateurs et des administrateurs dans les établissements ordinaires et à publier un guide pédagogique pour les éducateurs spécialisés. Enfin, le Programme propose la mise en place d’un mécanisme de réseautage entre les différents établissements d’intervention en développant le processus d’échange d’informations (centres d’éducation compétents, écoles régulières, accords d’enseignement primaire...).

En terminant, selon le rapport au CRPD de 2019, un accord de coopération et de partenariat de trois ans a été conclu avec l’Italie de 2018 à 2020 sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Cet accord aborde trois aspects de l’élaboration d’un programme opérationnel de la Stratégie nationale pour l’avancement et l’intégration des personnes handicapées dans la vie sociale et économique. Il vise de ce fait à accroître la capacité et les qualifications des intervenants sur le terrain auprès des travailleurs sociaux examinés par le ministère des Affaires sociales et le personnel des associations traitant avec les personnes handicapées.

 

  1. Suivi des données

La Tunisie a un rapport national de suivi sur l’éducation depuis 2014. Une base de données sur les besoins particuliers des élèves scolarisés est aussi en cours d’élaboration. On observe toutefois un manque de tests standardisés en Tunisie quant aux profils et à la gravité des désordres d'apprenants spécifiques. Enfin, différents indicateurs sont retenus pour mesurer l’inclusion, dont les taux de promotion, de redoublement et d’abandon. Selon le rapport de 2019 au CRPD, l’accord de partenariat avec l’Italie vise aussi à accroître la qualification des personnes responsables de la collecte de données statistiques sur les personnes handicapées.

Dernière modification:

jeu 11/06/2020 - 12:28

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