INCLUSION
3. Lois, plans, politiques et programmes
6. Enseignants et personnel de soutien
Éducation inclusive
Le pays ne formule pas de définition explicite de l’éducation inclusive ; or, le Programme d’appui au plan de transition du système éducatif centrafricain (PAPT) (2018) soutient que sa volonté est « inspirée par une vision humaniste de l’éducation et du développement fondée sur les droits de l’homme et la dignité, la justice sociale, l’inclusion, la protection, la diversité culturelle, linguistique et ethnique, ainsi que sur une responsabilité et une redevabilité partagées » (p. 15-16).
Besoins éducatifs particuliers
Le pays identifie les groupes qu’il considère comme faisant partie des « populations vulnérables », soit les enfants issus de milieux défavorisés, les orphelins, les filles et les enfants à besoins spéciaux (malvoyants, sourds-muets…). Le PAPT (2018) mentionne aussi dans la définition des modèles d’éducation alternative les « adolescents et jeunes non scolarisés, déscolarisés, associés aux groupes et forces armés et enfants à besoins spécifiques » (p. 24-25).
La devise du pays est « Zo kwe Zo », qui signifie « tout être humain est une personne » ; toutefois, l’éducation inclusive reste à un stade très embryonnaire.
Il existe très peu d’écoles spécialisées qui répondent spécifiquement aux besoins des enfants handicapés ; celles qui existent sont principalement gérées par des ONG (ou par le ministère des Affaires sociales) et dépendent du soutien financier de donateurs. Un centre public d’éducation et de formation pour élèves handicapés sensoriels est aussi en fonction, mais la formation s’arrête tôt, au cours moyen 2, sans aucune possibilité de poursuite des études. Il y existe aussi quelques centres pour les élèves ayant un handicap moteur, notamment à Bangui. Il n’y a pas de centres spécialisés pour les enfants ayant une déficience intellectuelle ; ces apprenants sont souvent exclus du système.
L’exclusion scolaire survient à cause de l’intersection entre le déplacement scolaire et les handicaps. Human Rights Watch a affirmé en 2015 que « très peu d’enfants handicapés sont inscrits dans les écoles des camps comme celui de M’Poko » (14 seulement sur environ 3 800 enfants inscrits).
Le pays a ratifié les conventions sur les droits des enfants (CRC), contre l’élimination de toute forme de discrimination envers les femmes (CEDAW) et celle portant sur les droits des personnes ayant un handicap (CRPD).
La Constitution du pays, promulguée en 2016, garantit le droit à l'éducation à l'article 9, lequel prévoit que « chacun a le droit d'accéder aux sources du savoir. L'État garantit à tout citoyen l'accès à l'instruction, à la culture et à la formation professionnelle. L'État et les autres collectivités publiques ont l'obligation de créer et d'assurer le bon fonctionnement des établissements publics pour l'éducation et l'instruction de la jeunesse. L'éducation est gratuite dans les établissements publics pour les divers ordres de l'enseignement ». L’article 6 ajoute que « l'État assure la protection renforcée des droits des minorités, des peuples autochtones, et des personnes handicapées ».
La loi 97/014 du 10 décembre 1997 portant orientation de l'Éducation nationale prévoit aussi que « l'accès à l'instruction, à la culture et à la formation professionnelle est garanti à l'enfant est à l'adulte sans considération de sexe, de rang social, d'ethnie, de religion ou d'appartenance politique ».
La Stratégie nationale du secteur de l’éducation (SNSE) 2008-2020 vise le développement et l’amélioration de l’éducation de la petite enfance, notamment pour les enfants les plus vulnérables et défavorisés.
La scolarité est gratuite. Pour redynamiser l’éducation, le PAPT (2018) prévoit de faire bénéficier plus de 2 500 élèves des cantines scolaires « exclusivement de type endogène » (c’est-à-dire reposant à 80 % sur de la production de produits locaux) « sur la base des critères de vulnérabilité du Programme alimentaire mondial des Nations Unies » (p. 22).
Handicap
La loi 00.007 du 20 décembre 2000 encadre les aides spéciales aux élèves et étudiants handicapés dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle. L’article 26 de cette loi stipule que « l'éducation des enfants et des adolescents handicapés est assurée dans les écoles ordinaires ou dans les centres d'éducation spécialisée ». L’article 27 avance que « les enfants déficients auditifs, visuels et mentaux bénéficient d’une éducation spécialisée leur permettant d’acquérir l’autonomie nécessaire à leur inscription dans les écoles ordinaires. Cette formation est assurée dans les Centres d’éducation spécialisés ». Enfin, l’article 28 énonce que « les écoles ordinaires dans lesquelles sont inscrits les enfants handicapés sont dotées, en cas de nécessité, d’un personnel spécialisé et de matériel didactique adapté aux exigences de leur encadrement pédagogique ». Les articles 22, 23 et 24 règlent les plans architecturaux, les aménagements et les normes d’accessibilité des écoles. L’article 29 statue sur l’aide à l’éducation pour les élèves ayant un handicap.
Genre
La Constitution garantit à l'homme et à la femme des droits égaux dans tous les domaines et l'article 4 de la loi 97/014 du 10 décembre 1997 soutient que l'éducation contribue à favoriser l'égalité entre l'homme et la femme.
La SNSE 2008-2020 vise quant à elle à accroître l'accès et le maintien des enfants à l'enseignement fondamental 1, en particulier celui des filles et à prendre en charge les élèves vivant avec le VIH et les orphelins et enfants rendus vulnérables du fait du VIH/sida. Pour ce faire, l’État vise à sensibiliser les populations en passant par les leaders d’opinion et les ONG. Aussi, avec l’appui de l’UNICEF, le ministère de l’Éducation vise à réinsérer les filles qui ont abandonné leurs études dans le système éducatif formel via la fondation d’écoles communautaires.
Le PAPT (2018) note que la crise « a aggravé l'inégalité entre les genres en ce qui concerne l'accès à l'éducation ainsi que la vulnérabilité des filles face à l'exploitation et aux abus » (p.8-9). Parmi les impacts socio-économiques attendus du financement de la part du Partenariat de l’éducation, on note l’amélioration de l’environnement d’apprentissage afin d’ « augmenter la scolarisation des filles grâce à la construction de latrines et de points d’eau » ainsi que l’octroi « de kits de dignité à plus de 6 000 filles » (p. 17).
Ethnicité et langues
La SNSE 2008-2020 vise à accroître l'accès et le maintien des enfants à l'enseignement fondamental 1, en particulier celui des minorités ethniques sous-scolarisées, dont les peuhls et les pygmées. Cela sera possible par des actions de sensibilisation et la suppression de redevances et des frais d’impression.
Zones rurales
La SNSE 2008-2020 appuie le développement d’initiatives communautaires dans les zones rurales et périurbaines. Ces mesures sont surtout orientées sur l'accès des filles à l'éducation dans ces zones à faible taux de scolarisation. L’une d’elles vise la suppression des redevances scolaires pour les filles dans les zones rurales.
Pauvreté
Il n’existe aucun programme de protection scolaire en faveur des élèves défavorisés. Toute la charge scolaire doit être assurée par les parents, ce qui entraîne une non-scolarisation importante. Or, le Rapport de la Convention relative aux droits de l’enfant (juin 2016) prévoit l’initiation d’un observatoire de lutte contre la pauvreté afin de collecter les données nécessaires sur les personnes handicapées, essentielles à la formulation d’une politique et des stratégies adaptées, au suivi et à l’évaluation des actions en éducation en la matière.
Actuellement, le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) vise la scolarisation primaire universelle, l’amélioration de la qualité des cycles secondaire et supérieur, le développement des programmes d’alphabétisation et de la formation professionnelle courte et la professionnalisation des filières de l’enseignement supérieur. La SNSE 2008-2020 souhaite augmenter le pourcentage d'écoles bénéficiant de cantines scolaires ou d’un système de rations sèches dans les zones à faible taux de scolarisation.
Personnes déplacées
Le plan de transition 2015-2017 sectoriel se focalise essentiellement sur la réponse à la crise, la gestion du système éducatif et la scolarisation des enfants sur le territoire. Toutefois, tout en coordonnant la réponse à la situation d’urgence, l’objectif est celui d’un retour des enfants dans les écoles. En raison de la guerre civile, des mesures sont prises pour l’éducation des enfants déplacés et l’éducation en situation d’urgence. Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) encadre l’instauration de salles de classe, la fourniture de matériels pédagogiques, de repas, d’infrastructures d’accès à l’eau, d’assainissement et d’hygiène et la Banque mondiale propose des programmes d’apprentissage accéléré à 5 000 enfants de 12 à 15 ans non scolarisés. ADT Fourth World organise des bibliothèques de rue avec des enfants, notamment dans les camps de réfugiés. Aussi, l’Association nationale des albinos de Centrafrique (Anaca) dénonce la stigmatisation dont ils sont victimes, mais aucune loi n’a été votée à ce jour. D’autre part, le Le PAPT (2018) mentionne que la recrudescence de conflits a causé le déplacement « d’environ 270 000 enfants en âge préscolaire et scolaire dont approximativement 116 000 sont rapportés en rupture scolaire ».
Il n’y a pas de politique d’éducation inclusive et les initiatives demeurent diffuses sans coordination par une organisation donnée. L’éducation spécialisée est du ressort du ministère des Affaires sociales de la Promotion de la Famille et des Handicapés. Pour le moment, le gouvernement accorde des subventions aux associations et aux organisations qui s’occupent de personnes handicapées.
L’Organisation nationale des personnes handicapées (ONAPHA) défend les intérêts de ses membres à exercer la création des centres d’éducation et de formation pour les handicapés (sourds-muets, aveugles). Le pays étant en crise socio-politique depuis 2012, un « cluster » a aussi été mis en place, dirigé par l'UNICEF en collaboration avec le ministère de l’Éducation. Il veille à garantir le droit à une éducation inclusive et de qualité pour tous. Il fournit des solutions éducatives temporaires pour les enfants déplacés et soutient la reprise normale des activités.
Cela étant, le plan de transition mentionne parmi ses recommandations « Révision de la configuration actuelle des ministères responsables de l’éducation pour plus de cohérence et d’efficacité dans la mise en œuvre des programmes et projets ». Il y aussi eu une institutionnalisation de l’éducation en situation d’urgence par le biais de a Décision ministérielle du 15 mars 2017, modifiée par une décision du 8 mai 2017 créant la Cellule d’urgence du MEPSTA. Cette dernière a pour mission « d’assurer l’accès et l’accessibilité à une éducation d’urgence et de qualité dans un environnement protecteur pour tous les enfants (filles et garçons) de 3 à 17 ans, affectés par les ruptures scolaires du fait des crises » (p. 22).
Depuis 2013, selon l’ONU, environ un tiers des écoles du pays ont été incendiées, pillées ou occupées par des groupes armés. En conséquence, environ 400 écoles primaires ont été fermées. Selon le Le PAPT (2018), le nombre d’attaques rapportées contre le système éducatif depuis 2017 est encore élevé.
La loi 00.007 du 20 décembre 2000 exige que les besoins des personnes handicapées soient pris en compte dans la conception des bâtiments. Les articles 23 et 24 détaillent les caractéristiques requises pour l’aménagement des rampes, des entrées et des couloirs, des salles de bains et des toilettes. Or, aucune mesure légale n’est prise pour le transport scolaire des personnes handicapées. À ce sujet, Human Rights Watch avance que certains parents hésitent à envoyer les enfants avec un handicap physique à l’école, car ils craignent qu’en cas d’attaque, les enfants ne soient pas en mesure de fuir.
Très peu d'écoles sont aménagées pour accueillir les élèves handicapés, à l'exception de l'utilisation du tricycle et des rampes d'accès dans certaines écoles. Il y a peu de documents en braille, qui sont souvent en mauvais état.
Entre 2015 et 2017, plus de 100 écoles ont été réhabilitées et six nouvelles ont été construites. De plus, des manuels scolaires ont été distribués pour 300 000 élèves (p. 6).
Très peu d’enseignants ou de membres du personnel (voir aucun dans certains établissements) sont formés pour enseigner aux enfants malvoyants, malentendants ou présentant un autre handicap. Le rapport Educating Children with Disabilities recommande toutefois l'incorporation du handicap dans le programme de formation actuel des enseignants. En outre, le « système éducatif se caractérise également par l’absence d’enseignants qualifiés (…). 40% des enseignants sont des maîtres parents sans formation ni qualification » (p.10). Ces maîtres parents étaient « massivement présents dans les provinces et seuls à exercer dans les zones excentrées ». Ils « sont à la charge des familles » et « ils n’ont pas bénéficié de formation professionnelle initiale et leur niveau de qualification académique est aléatoire ».
Dans les régions touchées par des conflits, les enseignants sont recrutés parmi les communautés locales pour permettre le maintien de l’éducation. Le Plan de transition 2015-2017 prévoyait dans son axe 1 : le « recrutement, la formation et la contractualisation de nouveaux maîtres d’enseignement, l’expérimentation de subventions aux associations de parents d’élèves pour les maîtres parents et les formations de mise à niveau des maîtres parents » (p. 19). Le PAPT (2018) relate également que 1 050 maîtres d’enseignement (ME) et 709 enseignants communautaires ont été formés entre 2015 et 2017 (p. 6).
Le programme Central African Republic Emergency Basic Education Support Project de la Banque mondiale (2018) assure des activités de formation des enseignants pour favoriser l'inclusion sociale et l'équité entre les sexes et les problèmes de la violence sexiste. Selon les sources, un seul enseignant du primaire sur cinq est une femme.
Le pays ne possède pas de rapport de suivi sur l’éducation ni d’indicateurs sur l’éducation inclusive. Le pays suit toutefois dans la SNSE 2008-2020 le nombre d'orphelins, de personnes issues des minorités ethniques et des enfants rendus vulnérables ayant accès au niveau F1.